Motion de la CROIX BLEUE

Congrès 2015 à Monswiller

En préalable, rappelons que le coût « global » de l’alcoolisme pour la collectivité est de 20 à 25 milliards € par an. Cette somme prend en compte les dépenses liées au coût médical, social, aux délits, accidents domestiques,… ( Source : www.alcoweb.com )

Les associations d’entraide, par leurs interventions de prévention et d’accompagnement, sont au cœur de l’action publique pour faire face à cette tragédie « ordinaire » aux graves conséquences.

Les conférences de consensus de la Société Française d’Alcoologie ont mis en évidence le rôle et l’efficacité des mouvements d’entraide et souligné l’intérêt de leur action dans le réseau de la filière addictologique en partenariat avec les professionnels du soin.

Nous attirons l’attention sur les trois points suivants faisant obstacle à notre action :

1. La baisse massive des subventions et la mutualisation

Quels que soient les efforts entrepris pour mutualiser et adapter nos fonctionnements et méthodes d’intervention, la CROIX BLEUE prévient que les actions menées sont gravement mises en péril faute de ressources.

La mutualisation à outrance risque, de plus, de faire perdre toute humanité et convivialité à nos structures alors que c’était là, leur point fort reconnu.

Pour quelle efficacité ? Et au bout du compte, pour quels résultats ?

Si l’on y regarde de près, les économies escomptées par la diminution des subventions sont une illusion. Faisons une rapide évaluation :

La Croix Bleue permet d’éviter environ un millier de réalcoolisations chaque année, l’économie pour l’État est d’environ 11 millions € (coût moyen de chaque soin : 11 500 €)

Soit pour les cinq associations de CAMERUP (coordinations des associations et mouvements d’entraide reconnus d’utilité publique) : un total de plus de 50 millions €.

Et ce coût n’inclut pas les bénéfices pour l’entourage. Un buveur guéri entraine avec lui la guérison de toute la famille. On peut sans risques doubler ce gain, soit 100 millions € qui ne représente au final qu’environ 0,5 % du coût global !

Au vu de ces données, la politique de répartition des fonds publics nous semble inadaptée et nous demandons donc une reconsidération des dotations de l’Etat.

2. La complaisance vis-à-vis du lobby alcoolier

Une majorité de parlementaires protège les intérêts économiques du secteur, sous couvert de défense des traditions vinicoles et voudraient faire admettre que le vin n’est pas une boisson alcoolique comme les autres.

De plus, dans la nuit de mercredi 10 à jeudi 11 juin dernier, sous la pression des alcooliers, les députés ont modifié la loi Evin, contre l’avis du gouvernement et du Sénat, permettant ainsi de déguiser des campagnes de publicité sur l’alcool en campagnes de pseudo-information.

Nous demandons donc au gouvernement de prendre les dispositions pour que cette loi ne soit jamais appliquée en l’état.

Le vin représente pourtant à lui seul 60% de l’alcool pur consommé en France. Nous demandons la restriction de toute publicité pour l’alcool sur internet, et l’interdiction effective de vendre de l’alcool à des mineurs, notamment par voie électronique.

Et nous demandons qu’un avertissement soit mentionné sur tous les contenants de boissons alcooliques ou alcoolisées, intitulé : « L’alcool est dangereux pour la santé »; et non pas « L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à boire avec modération ».

3. La compréhension réductrice de la maladie alcoolique

Notre époque est celle où l’on a séparé l’esprit du corps, alors que des chercheurs ont clairement démontré que nous appartenons à des systèmes interdépendants.

On nous dit pourtant aujourd’hui qu’un médicament serait capable de guérir de l’alcoolisme et permettrait à tout un chacun de consommer de l’alcool sans conséquences négatives.

C’est une supercherie cruelle pour ceux qui perdront des années à comprendre que le médicament ne peut pas tout et que leur santé physique et mentale ne peut dépendre d’un seul médicament qu’il suffirait de prendre à vie comme un traitement contre le diabète.

Les médicaments font partie du dispositif de soin et peuvent être utilisés ponctuellement, mais la considération globale de chaque personne avec ses particularités individuelles, son contexte familial, professionnel permet de trouver des solutions durables, de tisser ou retisser du lien social, d’aider à la réinsertion.

C’est une prise en charge complexe, mais beaucoup plus efficace dans la durée où le malade devient acteur de son changement et n’attend pas en vain que la science résolve son problème.

4. En conclusion

Pour toutes ces raisons, avec tous ceux qui militent pour prévenir les dangers de l’alcool et accompagner les malades, la CROIX BLEUE demande un réel engagement de santé publique pour tous acteurs confondus.

Nous avons, tous ensemble, les moyens de lutter efficacement contre une maladie qui touche au cœur de l’humain.

A Monswiller, le 14 juin 2015

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